Sept années après la vague #meetoo, on pourrait penser que les questions d’égalité entre les femmes et les hommes seraient acquises, que ce soit dans l’espace public, l’enseignement ou au sein de nos environnements.
Or, d’après le dernier baromètre du Haut Conseil à l’Égalité (HCE)1, loin de reculer, le sexisme s’ancre dans toutes le sphères de la société : 80 % des personnes interrogées considèrent que le traitement professionnel entre les hommes et les femmes est inégalitaire. Dans les faits, cela se traduit, toujours selon le HCE, par une différence de salaire de 22 % en faveur des salariés masculins. Le rôle du référent égalité semble donc plus que central.
L’égalité professionnelle reste un thème flou, trop sociétal, trop transversal, un vrai serpent de mer des sujets RH : tout le monde en parle, personne ne le voit. Pourtant, dans certaines structures, publiques et privées, on a la possibilité (ou l’obligation, c’est selon) de nommer une ou un référent égalité. Loin d’être un contrainte, cette mission peut devenir un véritable levier de performance interne.
Nommer un référent égalité : L’égalité professionnelle en question
La question de l’égalité n’est pas nouvelle : en 1972, le principe d’égalité de rémunération a été inscrit dans la loi. Et dans cette vidéo de l’INA, de 1983, il est question de la loi Roudy relative à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
C’est donc un sujet inscrit dans les textes depuis au moins 52 ans. Quant au harcèlement sexuel, il est sanctionné dans le Code du travail depuis 1992.
Aujourd’hui, l’égalité professionnelle fait l’objet d’un titre entier du Code du travail2 ainsi que de nombreuses déclinaisons dans les accords de branche.
Mais en pratique, il reste une question : pourquoi nommer un référent égalité ?
Concrètement, parce que ça permet de compenser le côté transversal du sujet, qui glisse du manager au DRH. Cette mission, non obligatoire, consiste à accompagner la mise en œuvre du plan d’action égalité décidé par le comité de direction et la DRH.
Souvent, elle va également avoir la charge de mettre en place des actions de sensibilisation et de formation. Comme il est très difficile de parler d’égalité sans parler de la question des violences liées au genre et de harcèlement, cette mission est souvent rattachée à celle de référent harcèlement.
Obligatoire dans toute entreprise de plus de 250 salariés, le référent harcèlement est « chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. »3
La personne référente en matière d’égalité a donc souvent à la fois la fonction de valoriser l’égalité professionnelle au sein de la structure et celle de recevoir la parole des personnes victimes d’actes sexistes.
1. #meetoo, image de marque et marque employeur
Depuis quelques années, on assiste à une métamorphose du monde du travail : les jeunes diplômés recherchent, au-delà d’un employeur, une structure soucieuse de leur bien-être au travail.
Et ce, à la fois comme consommateurs et comme travailleurs. Il va être, par conséquent, important de leur montrer que :
- ces sujets (et plus largement les sujets de discriminations et de bien-être au travail) sont pris en compte ;
- cette politique est concrète et incarnée.
D’où l’importance de nommer une personne référente, y compris si vous n’y êtes pas obligé. Ce qui est encore plus valable pour les questions de harcèlement et de violences.
2. Le référent qualité : une fonction opérationnelle
La fonction de référent sur les sujets d’égalité doit avoir un cadre clair, avec des limites précises. Dans le cas contraire, on risque de voir apparaître la fameuse notion de «référent fantôme » ou de « pinkwashing ».4
Les personnes référentes ont toujours une autre fonction dans la structure. Elles peuvent être issues des services RH sans que ce soit une obligation.
C’est d’ailleurs un élément à considérer avec soin au moment de la nomination : cadre ? Non,-cadre ? De quel service ?
Et au-delà de ces éléments purement organisationnels, le choix sera plus efficient si la personne en question est connue pour sa discrétion. C’est LE préalable indispensable.
3. Une lettre de mission claire
Comme cette fonction va se rajouter à son métier, il conviendra de fournir une lettre de mission claire. Elle devra reprendre le plan d’action égalité, identifier à l’intérieur les actions à mettre en place par la personne référente ainsi que les moyens qui lui sont alloués.
Ces moyens peuvent être en temps de travail, en budget, avec un périmètre géographique, une salle dédiée pour recevoir les salariés.
En bref, tout ce qui pourra permettre au référent de prendre en charge sa part du plan d’action.
De plus, la question de l’information donnée dans le cadre de la mission est primordiale.
Il conviendra que ce rôle soit cadré dans la lettre de mission de telle sorte à ce que les informations à transmettre soient clairement définies avant la prise de fonction.
Enfin, il sera important également de définir une procédure d’alerte en cas de déclaration d’infraction : en effet, en cas de déclaration de harcèlement, par exemple, des délais impératifs sont à respecter.
Dans l’idéal, cette procédure serait co-construite et évolutive en fonction de son efficacité. De la même manière, il est important que la personne référente soit formée sur les implications de sa mission, tant sur un plan réglementaire qu’organisationnel.
4. Le référent égalité doit être intégré à l’organigramme
La fonction de référent, quelle qu’elle soit, demande de comprendre à quel niveau hiérarchique on agit. En effet, souvent, il peut y avoir une sorte de dissonance cognitive entre le métier de la personne et sa mission.
Dans son métier, à moins que le référent soit également le ou la dirigeante de l’entreprise, la personne est soumise à une hiérarchie.
Souvent, la mission de référent est rattachée directement à la RH ou à la direction.
Il y a donc un côté un peu schizophrène dans la fonction de référent, qui doit être évoqué le plus tôt possible dans la prise de fonction. Cette notion doit être très claire dès le départ, autrement, on risque de voir la fonction exercée à moitié.
5. Le référent harcèlement du CSE, allié ou doublon du référent égalité ?
Dès qu’un CSE existe au sein d’une structure, il est obligatoire de désigner une personne référente chargée de la lutte contre les harcèlements sexuels et sexistes.
Cependant, c’est une fonction particulière. Si le référent harcèlement du CSE peut proposer des actions de sensibilisation et de formation, il le fera au travers de son instance et, peut-être, de manière moins directe que la personne référente nommée au sein de l’entreprise.
De plus, il peut être avantageux dans le dialogue social d’avoir également une personne référente côté employeur : cela permettra de mieux répondre aux questions du référent CSE.
Il se peut enfin qu’en fonction de la qualité du dialogue social au sein de l’entreprise, le fait de nommer un référent égalité adoucisse certains sujets.
Autre avantage à la nomination d’un référent égalité/harcèlement par la direction, il y a le fait d’avoir une deuxième personne pour recueillir la parole.
Parler d’une agression ou d’une discrimination peut être compliquée et avoir le choix permet parfois d’avoir le courage de passer le pas.
6. Doit-on former le référent égalité ?
La réglementation ne pose pas d’obligation en termes de formation.
Cependant, afin de l’exercer et d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes, il est préférable que la personne soit formée. D’abord, sur les bases réglementaires sur lesquelles s’exercent sa mission : qu’est-ce que le harcèlement sexuel, ses différentes formes ?
Aujourd’hui, la jurisprudence va jusqu’à parler de harcèlement d’ambiance, il semble cohérent que la personne référente maîtrise les différentes définitions.
Ensuite, sur la conduite à tenir en cas de déclaration : comment accueillir la parole au mieux ? Que dire ? Que doit-on éviter de dire afin de ne pas engager la structure en cas d’enquête ou de plainte ?
▶️ Le rôle de la Formation pour l’Égalité Femmes / Hommes en Entreprise (SkillFest)
Enfin, former son référent permet d’éviter 2 écueils dans le déroulé de la mission :
- le référent fantôme : la personne est nommée, la fonction existe, seulement, elle ne se matérialise pas. Aucune remontée, pas de proposition.
Proposer une formation pour entrer dans la fonction permet aux référents de prendre conscience de leur rôle et de leur importance.
Il leur permet aussi de ne pas avoir peur de rencontrer leurs collègues sur ces sujets.
Dans cette formation, les mises en situation pratiques, sous forme de jeu de rôle par exemple, leur permettront de dépasser leurs appréhensions liées à ce côté de leur fonction. - Le (trop) militant : la fonction de référent égalité/harcèlement doit être l’incarnation d’un plan d’action décidé par le comité de direction, éventuellement avec un comité de pilotage et conforme à la réglementation.
Il se peut que la personne désignée se sente investie d’une mission tout à fait honorable (éliminer le sexisme à tous les étages de l’entreprise, par exemple) qui peut faire déborder les limites prévues par la fonction.
Proposer une formation permet de poser ces bases et ces limites en conservant son enthousiasme.
Par souci d’impartialité et d’expertise, faire appel à un centre de formation spécialisé sera toujours gage d’efficacité.
Nommer un référent /égalité/harcèlement semble, en 2024, un impératif, quelle que soit la taille de la structure.
D’abord parce que, dans le monde du travail tel qu’il est aujourd’hui, montrer qu’on prend en compte ce sujet va attirer les meilleurs profils.
Cela favorise aussi l’incarnation de la politique d’égalité et de lutte contre les violences décidée par la direction. Au-delà de cette politique, il est un facilitateur qui va « déminer » certaines situations et éviter qu’elles n’explosent.
Pour mener son engagement à bien, la personne référente aura besoin d’une lettre de mission définie, d’être formée et soutenue tout au long de sa durée.
Car elle est, avant tout, la matérialisation du plan d’action de lutte contre le harcèlement et en faveur de l’égalité professionnelle.
C’est sur cette base qu’elle pourra s’exercer et ainsi devenir un levier de performance aussi global que la fonction est transversale.
- HCE-rapport annuel 2024 sur l’état des lieux du sexisme en France ↩︎
- Titre IV : Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (Articles L1141-1 à L1146-3) ↩︎
- Article L1153-5-1 du Code du travail ↩︎
- Inspiré du terme greenwashing, pinkwashing signifie l’utilisation de valeurs liées à l’égalité professionnelle dans un cadre marketing, sans vraiment de fondement dans la politique de la structure ↩︎
Précédemment sur Skills Mag :
- Engagement des salariés : et si la communication interne était la solution ?
- Assessment center : tout ce qu’il faut savoir
- Le Compte d’Engagement Citoyen (CEC) : Un levier pour valoriser l’engagement bénévole et citoyen
- Créer des formations internes grâce à l’IA
- Collaborateurs de terrain : les grands oubliés de la formation ?