Avouez. Rien que la lecture du titre de cet article vous a donné envie de courir chercher de quoi soulager votre migraine naissante.
Pourtant, des interfaces de programmation d’application, API de leur petit nom, il y en a partout, y compris dans les logiciels RH.
Sauf qu’on ne les voit pas, elles œuvrent en coulisses. On vous explique en quoi elles pourraient vous être utiles au quotidien.
Les interfaces de programmation d’application (API) permettent à des applications distinctes d’interagir entre elles, lorsque celles-ci ne possèdent pas l’ensemble des données nécessaires pour répondre aux requêtes des utilisateurs. Elles représentent l’un des maillons possibles pour faciliter l’échange d’informations en les structurant, au moyen de protocoles techniques, et en les rendant accessibles.
Pour schématiser, les API sont aux applications web et mobiles, ce que les serveurs sont aux clients d’un restaurant : ils prennent les commandes et les leur apportent.
En l’absence de serveur, pas de communication entre la cuisine et les clients. Ces derniers préféreront alors rester chez eux. C’est ce qui se passe lorsqu’une application fonctionne sans API : elle fait elle-même sa cuisine.
L’intérêt des API est de délester l’utilisateur des questions de compatibilité entre les différentes applications qu’il emploie. L’actualisation en temps réel des données produits d’une marketplace ? Les API. Votre appli météo ? Les API.
Le fait de pouvoir publier votre dernière offre d’emploi à partir du site internet de l’entreprise sur vos réseaux sociaux ? Encore les API.
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Éviter les usines à gaz
En tant que responsable des ressources humaines, pourquoi s’y intéresser ? Principale raison : l’écosystème de travail évolue vers toujours plus de digitalisation. De nombreuses tâches sont désormais dévolues à la machine, mais ne sont pas toutes traitées par le même outil.
Les équipes RH sont donc confrontées à ces préoccupations d’interfaçage. « Peu de systèmes d’information RH (SIRH) couvrent l’intégralité de la chaîne de valeur, mais en assurent très bien une partie et ont besoin d’être complétés par d’autres modules », indique Benjamin Leiba, co-fondateur de Badakan, éditeur de logiciel RH à destination des équipes opérationnelles.
Si le procédé technique qui sous-tend les API concerne plus les développeurs que les RH, ces derniers sont tout de même amenés à s’y pencher.
Notamment « très en amont lors d’un processus d’achat, pour être sûr que les logiciels vont communiquer entre eux. C’est important pour éviter la double saisie manuelle ou encore pour l’agrégation de données qui peut parfois se révéler une véritable usine à gaz ».
Benjamin Leiba note trois principaux avantages à se doter d’outils ouverts aux API :
- le confort des utilisateurs en termes de tâches et de temps,
- la diminution de la marge d’erreur par rapport à la saisie humaine,
- la synchronicité qui permet d’accéder à une donnée actualisée.
Des outils polyvalents
Gestion de la paie, des plans de développement des compétences, des entretiens d’évaluation des salariés… Comme elles sont présentes dans de nombreux logiciels et applications, les API peuvent recouvrir de multiples usages du quotidien de la fonction ressources humaines.
Par exemple, une partie de la solution développée par Badakan permet de gérer le planning des équipes. L’API envoie en temps réel des éléments vers le logiciel de paie qui calcule, de son côté, le solde de congés et de RTT pour chacun des membres, avant de retourner ces informations au logiciel initial. « Cela permet aux managers de piloter l’activité en temps réel et de pouvoir faire les bons arbitrages, en l’occurrence qui mettre en vacances ou non », ajoute Benjamin Leiba.
Autre enjeu fort de la dématérialisation, le coffre-fort numérique peut, lui aussi, gagner à être ouvert aux API. « Quand on arrive chez nos clients et qu’ils sont déjà équipés, l’API va permettre d’acheminer correctement, vers le bon coffre-fort, les documents générés par les différents logiciels [de gestion RH]. Toute l’architecture est dessinée pour qu’il n’y ai plus d’opération manuelle. »
L’instantanéité du système permet aussi de vérifier en direct que tout fonctionne, qu’il n’y a pas d’erreur et, le cas échéant, les corriger sans attendre la fin du mois.
Incontournable ou pas ?
Les API sont-elles en train de devenir l’outil incontournable d’avenir pour les Ressources Humaines ?
Parmi les développeurs web, on souligne qu’il s’agit déjà d’une réalité, non seulement dans l’informatique, mais également dans de nombreux secteurs professionnels, à l’instar de la banque.
Avec ce moyen de communication entre systèmes d’information, la puissance de frappe est décuplée et il est possible d’avoir accès à un nombre et une variété de fonctionnalités jusqu’ici réservées à une portion congrue de structures, qui avaient les moyens financiers de développer de tels outils en interne.
En utilisant les API, les RH, entre autres, consomment la data différemment. Un peu comme quand on passe de l’achat de DVD à celui d’un abonnement Netflix : le choix est vaste, mais si l’on interrompt le paiement et, par conséquent, le service… mieux vaut avoir conservé quelques vieilles copies physiques ! En effet, l’API représente une forme d’externalisation et donc de dépendance au prestataire qui l’a créée.
Cette dépendance commerciale fait d’ailleurs partie des limites pointées par certains, qui préfèrent “cuisiner” eux-mêmes. C’est la cas, notamment, « d’acteurs historiques qui ne souhaitent pas s’ouvrir aux API. Mais cela est en train de changer car même ceux-là comprennent l’importance d’une stratégie d’alliance, dont les clients sont eux aussi demandeurs », avance Benjamin Leiba, qui n’élude pas quelques contraintes. « Les API sont vivantes. Ce n’est pas juste un câblage de A vers B. Les logiciels, le contexte législatif peuvent évoluer, cela implique une maintenance. » Des plateformes de gestion des API ont justement été conçues pour actualiser et sécuriser leur fonctionnement durant toute la durée de leur cycle de vie.
Par ailleurs, comme pour tout investissement, le choix de fonctionner par API exige de considérer le rapport coût/avantage. « Dix à quinze logiciels peuvent communiquer entre eux, c’est un flux complexe qu’il faut raisonner. Le 100% automatique n’existe pas et [la fonction RH] nécessitera toujours de l’humain », reprend le co-fondateur de Badakan. Raisonner signifie, par exemple, se demander « où sera déversée la donnée primaire », mais aussi bien former l’opérateur en charge de ce protocole afin « d’éviter les données irréconciliables ».
Pour répondre à cet enjeu, le spécialiste conseille d’ailleurs de s’appuyer sur le département intégration, quand il existe, du fournisseur d’API afin de modéliser au mieux tous ces flux. Et d’assurer : « C’est l’un des facteurs clés de succès ».